Avec plus de 1,5 million de touristes en 2023, la cité du Jasmin compte des centaines de milliers d’arrivées de Tunisiens par an. N’empêche que tout ne baigne pas dans l’huile.
Qui dit Hammamet, dit évasion, dégourdissement et animation haut en couleur. Plus qu’un coup de com fruit d’une agressive opération de marketing, il s’agit bien d’un aveu partagé à l’unisson par les touristes tant étrangers que locaux. C’est d’autant plus vrai que cette ville, par on ne sait quelle baguette magique, exerce un effet magnétique sur ses visiteurs qui, bonus aidant, y affluent et refluent à longueur d’année, et pas seulement durant la haute saison estivale connue pour être celle de la survie pour la majorité écrasante des villes balnéaires. «J’y vais au moins deux fois par mois en hiver», assure Hatem, 31 ans, gérant d’une start-up basée à Tunis, qui reconnaît que « Hammamet est pour moi 12 mois sur 12 de joies et de relaxe, grâce à son pouvoir attractif incomparable, en ce sens que rien, absolument rien ne lui manque pour séduire.» Nejib Touhami, propriétaire d’un restaurant touristique huppé à Hammamet-nord, est du même avis. «Rien à voir évidemment, note-t-il, avec le pic estival, mais, Dieu merci, nous ne chômons pas le reste de l’année, puisque nous recevons quotidiennement et surtout les week-ends, des clients (étrangers mais en grande majorité des Tunisiens) venus à la recherche du calme et de la bonne cuisine.»
Karem Brigui, directeur commercial d’un hôtel de Hammamet, n’en est pas moins satisfait. « Si nous atteignons le surbooking durant le trimestre estival, précise-t-il, il est normal que l’affluence baisse après. Mais, attention, baisse ne veut nullement dire chute, car nous continuons, durant la basse saison, de recevoir du monde, ce qui nous garantit des recettes loin d’être modestes. Un atout hammametois synonyme de luxe introuvable dans la plupart des unités touristiques des autres régions du pays. C’est qu’ici à Hammamet, et d’après mes expériences professionnelles dans plusieurs hôtels, j’ai constaté que tourisme étranger et tourisme local font bon ménage et se complètent. J’ajouterais que je suis persuadé que, tout en gardant sa réputation de destination privilégiée des touristes occidentaux et arabes, Hammamet est devenue le fer de lance du tourisme local. Je vous cite l’exemple de l’hôtel où je travaille :le taux des arrivées et des nuitées des Tunisiens a respectivement progressé de 35% et de 28%, selon notre décompte couvrant les cinq premiers mois de l’année actuelle, c’est-à-dire hors pic estival. Un score, à ma connaissance, jamais réalisé ailleurs dans le pays ».
Des chiffres éloquents
Y a-t-il un secret derrière cet engouement extraordinaire pour Hammamet ? «Pour nous, réagit notre interlocuteur, notre label est simple mais infaillible : crédibilité, services et com».
Maintenant, si l’on se référe aux statistiques officielles de 2023, on constate que sur les 9,4 millions de touristes enregistrés, plus de 1,5 million de Tunisiens ont séjourné dans la zone touristique de Hammamet qui compte quelque 110 hôtels et qui s’étend de Yassamine Hammamet à El Mrezga, en passant par Hammamet-Nord. « Ces chiffres n’incluent pas le tourisme local au nombre d’arrivées indéterminé sur toute l’année », note Hazem Louati, gérant d’une agence de voyages de la ville qui précise encore : « Les arrivées des Tunisiens à Hammamet sont difficiles à recenser, d’abord parce qu’ils viennent pour des séjours familiaux généralement courts et parfois brefs, et ensuite parce qu’ils choisissent de loger non seulement dans les hôtels, mais aussi dans les innombrables maisons d’hôtes, studios et appartements de location de différents standings ».
La petite Pupput a grandi
Outre ses belles plages et le grand nombre de ses unités hôtelières, de restaurants (du touristique au populaire) de points de vente des produits d’artisanat et de boîtes de nuit, Hammamet fait aussi les yeux doux aux visiteurs par son riche patrimoine historique dont les origines remontent jusqu’au Xllle siècle, soit au début du règne de la dynastie des Hafsides qui fit d’elle le chef-lieu de ce qu’était «la province du Cap-Bon». C’est lors de l’ère coloniale des Romains que fut donné à la cité le nom de Pupput, pour l’abondance de ses eaux et bains.
Depuis, la petite Pupput a grandi et développé ses charmes pour ensuite changer d’appellation et devenir Hammamet au milieu du XXe siècle. « Il a fallu, raconte Hachemi Hsouna, 78 ans, figure légendaire de la cité du jasmin, attendre l’aube de l’indépendance de la Tunisie et plus précisément l’année 1959 pour voir la ville faire ses premiers pas vers le tourisme, avec la construction du premier hôtel cent pour cent tunisien, œuvre de Chedly Fourati. Une trouvaille qui fera vite tache d’huile, lorsque d’autres futurs pionniers du tourisme hammametois comme Taher et Mohsen Fourati, Abdelhamid Khechine et Aziz Miled lui emboîteront le pas, en érigeant d’autres unités hôtelières ». Et notre interlocuteur conclut par un appel lancé aux hôteliers de la ville afin de rendre un vibrant hommage à ces vétérans du tourisme.
15 mille m3 de sable
Atteindre le sommet de la gloire, c’est bien, mais s’y maintenir serait beaucoup mieux. Un idéal. Cela revient à dire que la ville de Hammamet, forte d’une si flatteuse carte de visite, n’est pas aujourd’hui au-dessus de tout reproche. Cela va de l’explosion démographique continue à une circulation piétonne et automobile proprement étouffante (notamment dans les artères principales), en passant par la saturation du secteur qui nécessite l’extension de la zone touristique et, par là, la création de nouvelles unités hôtelières.
Volet environnement, autre talon d’Achille de la cité, il y a heureusement un léger mieux à relever, après le démarrage, ces jours-ci, de l’opération de lifting visant l’assainissement du littoral et sa protection contre l’érosion.
Faisant suite à la visite d’inspection effectuée au mois de ramadan dernier par le Chef de l’Etat, cette opération encore en phase d’exécution consiste en l’acheminement, à bord de quelque 750 camions, de pas moins de quinze mille m3 de sable. De quoi améliorer la qualité des plages et y drainer davantage de touristes, mais aussi d’estivants tunisiens.